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Albin de la Simone en état de grâce



Un nouveau disque d’Albin de la Simone, c’est toujours une promesse. La promesse de très jolis mots, de mélodies dodelinantes, d'une certaine retenue.

Promesse tenue, cette fois encore, avec « L’un de nous », disque faussement simple qui te fera voyager dans ta propre vie, dans ton quotidien, dans ce qu’ils ont de commun avec ceux tout le monde, d’ennuyeux, d'effrayant et de très beau aussi.


Si ça fait déjà presque 15 ans qu’Albin de la Simone a sorti son premier album, j’avoue (même si c’est pas un crime non plus) ne l’avoir découvert qu’au second, « Je vais changer ».

Au-delà de cet amour évident du mot et de la note justes, ce qui m’a fait craquer, tu veux savoir ce que c’est ? Et ben tu vas le savoir de toute façon. J’ai craqué sur cette phrase extraite de « J’ai changé » : « j’ai pesé dix kilos, dont deux de vélo ». Première phrase de la première chanson du disque. Voilà. A quoi ça tient quand même. J’ai trouvé ça si joliment dit, si évocateur, si efficace, à la fois amusant et touchant, la patte d’un vrai parolier.

Après ça, inutile de te dire que ça a déroulé sans pépin, Albin étant du genre à être meilleur d’album en album et moi du genre fidèle et dévoué.

Un peu comme un chien, oui.


C’est sans doute (un peu) moins le cas aujourd’hui, mais Albin de la Simone a longtemps été rangé dans le tiroir « Nouvelle chanson française ».

Avec ça, débrouille-toi, mets un peu qui tu veux dedans, on ne sait pas trop qui est l’auteur de cette trouvaille mais c’est comme « Brit Pop », ça veut tout et rien dire.

Grosso modo, là, tu trouves tous les artistes français d’environ le même âge (ce qui est très pratique car à chaque génération sa nouvelle chanson française), écrivant et composant leurs chansons, et qu’on imagine ou qu’on sait plus ou moins copains (à la différence de la « nouvelle scène rap française » où tu trouves ceux qui sont plus ou moins fâchés voire qui se menacent de mort).

Dans le cas d’Albin, on trouve donc dans le club : Vincent Delerm (love jusqu'aux étoiles), Jeanne Cherhal (love de dingue), Mathieu Boogaerts (love pour toujours), Arthur H (love à la folie), Cali (love love love), enfin tu vois le genre, des nullos quoi.

Et pour le coup, il faut reconnaître qu’associer ces gens-là n’est pas complètement incohérent. Certes, chacun a sa petite touche, mais tu sens quand même un certain cousinage. Tout ce joli monde a d’ailleurs souvent partagé un duo, une scène, une reprise, et à ma connaissance toujours pour le plaisir des oreilles.

Si tu n’as jamais entendu le trio Cherhal-Delerm-De la Simone reprendre « Les gens qui doutent » d’Anne Sylvestre, c’est le moment. Si tu l'as déjà entendu, tu l'as forcément aimé donc un petit coup de revienzy ne pourra pas te faire de mal.

Bim :


On va pas se mentir, c'est pas gai, gai non plus.


Tout ça pour en venir au nouvel album d’Albin, « L’un de nous », donc.

Oui, tu as cru qu’on n’y arriverait jamais, et on a bien failli se perdre en route mais nous revoilà.

Un disque sobre et élégant, comme son auteur. Enfin comme j’imagine son auteur car Albin n’est jamais passé à la maison prendre l’apéro pour que je vérifie s’il était sobre et élégant ou non. Et c’est dommage quand on y pense, car quelqu’un qui arriverait à rester élégant et sobre à l’apéro, surtout chez moi où les apéros ne sont pas pour débutants, ça tiendrait du miracle et ça aurait donné un sacré coup de fouet à cet article.


Enchaînons.


Au centre de « L’un de nous » il y a, bien sûr, encore et toujours, thème éternel et inusable, l’amour. Le grand amour même, titre de la toute première chanson, dont tu peux regarder le clip pas plus tard que maintenant, là juste en-dessous, tu le vois ? (si la réponse est non, le mot que tu cherches est "ophtalmo")


Clip des bois. Comme les fraises.


L'amour, ici, est chanté par un homme d'une quarantaine d'années, il y donc dans ce disque des vrais morceaux de temps qui passe.


J'ai l'impression qu'Albin aime plutôt bien être un quadra, ou qu'au minimum il en a pris son parti. Il a bien raison à mon avis, d'abord parce qu'il n'y a rien de mal à ça, il paraît même que 40 est le nouveau 30, ensuite parce que c'est sans doute le moment idéal pour apprécier ce qu'on a coutume d'appeler les petites choses toutes simples (encore souvent appelées "les trucs de vieux").


Dans "L'un de nous", l'état amoureux selon Albin de la Simone ne tire pas sa grandeur de merveilleuses aventures, de paysages exotiques ou de grands gestes romanesques. On imagine moyen une chanson d'Albin au générique de, je sais pas moi, "Titanic" tiens. D'un Truffaut plutôt.

L'amour à la Simone se vit au quotidien, il se cache dans des vies toutes pareilles, même dans des clichés parfois. Il se cache tellement bien qu'on pourrait le confondre avec la routine, la lenteur, l'ennui. Mais pas Albin de la Simone, qui traque l'amour, sa beauté et sa profondeur, absolument partout.

On parle ici de l'amour qui dure, ou plutôt qu'on essaie de faire durer, de façon plus ou moins laborieuse.

Dans "Une femme", tiens, figure-toi qu'il se donne pour mission quasi sacrée d'aimer la sienne, tous les jours, toutes les heures, toujours la même, pas une plus jeune, pas une plus parfaite, non, celle-ci. Comme elle est, et comme il est.

Ca m'a fait penser au titre de Ben Mazué (autre garçon tout plein de qualités dont je t'ai déjà parlé plusieurs fois), "Peut-être qu'on ira loin", où l'auteur se réjouit d'avoir "une femme qui fâne à mon bras".

Une autre étape après la passion et les expériences de deglingos, plus tranquille, moins survoltée, moins violente, mais ni moins intéressante ni moins satisfaisante pour peu qu'on y travaille un chouilla (et oui les jeunes, va falloir bosser à un moment ou à un autre #lol).


L'amour (et ses acteurs) n'étant pas non plus toujours d'une pureté absolue, la tentation, et sa bonne copine l'infidélité, rôdent l'air de rien et font néanmoins sourire, un petit peu jaune, mais sourire quand même, dans "A midi on m'a dit", où le narrateur repousse (pour l'instant) les sirènes de l'adultère. Un jour, peut-être ?

On va pas se voiler la face, on n'est pas de bois, on n'est pas parfaits et on n'est pas des sous-merdes pour autant.

Bienveillant il est, Albin.

(on n'a pas compris pourquoi cette phrase était écrite en Yoda)


Albin chante aussi l'amour qui doute, qui souffre, celui qu'on essaie de rattraper mais qui s'en va quand même, pile au moment où on vient de comprendre que c'était de l'amour (c'est ballot, on est cons des fois), mais il le fait avec une douce mélancolie, avec une certaine résilience, avec cette politesse de ne pas s'en plaindre.

Toutes ces choses qu'on pourrait, de premier abord, qualifier de négatives, de la rupture amoureuse à la mélancolie adolescente en passant par la lâcheté des hommes ou la vue qui baisse, il les regarde en face, il leur fait une place, il y trouve le beau, parfois le drôle même.


Tu l'as compris, "L'un de nous" n'est pas un disque révolté par les années qui nous pèsent sur les épaules et les articulations, alors que nous on se sent si jeunes dans nos têtes (ben voyons).

Pas agressif non plus. Ni revanchard.

Si tu veux du Marylin Manson, du NTM, du Vianney, passe ton chemin. (un intrus s'est caché dans cette liste sauras-tu le retrouver ?)


Je sais pas toi, mais j'ai jamais tellement envie de savoir ce qui se passait dans la tête d'un auteur au moment d'écrire ses chansons. Limite, ça me dérange. Autant j'aime qu'un auteur se révèle sincèrement dans ses textes, autant l'explication de texte me semble impudique, inutile et empêcheuse de ressentir en rond. Si Machin était euphorique en écrivant telle chanson mais que moi ça me fait pleurer, et bien laisse-moi pleurer tranquillement et ne me jette pas ton bonheur à la tronche. J'interprète comme je veux, peut-être mal mais tant pis. Ta chanson rigolote moi elle me fait pleurer alors m'engueule pas et pose-toi les bonnes questions.

Je deviens mauvaise là, mais alors sans aucune raison.

En revanche, la construction purement musicale m'intéresse toujours beaucoup, sans doute parce que je n'y connais rien et que du coup ça me fait un peu fantasmer. Comme c'est forcément loin de mon univers, ça ne me casse pas la magie, bien au contraire. Imaginer des pianos poussiéreux dans des greniers où retentissement des ébauches de mélodies, des guitares gratouillées au bord de l'eau, c'est peut-être gnan-gnan mais j'aime bien.

Oui, cet aparté a un sens, j'y arrive.

Si tu as l'occasion de jeter un oeil au livret de l'album, Albin nous raconte, justement, le cheminement musical de ce disque, à la fois son parcours personnel et ses échanges avec les autres participants (beaucoup de filles d'ailleurs, je lui demanderai si c'est un hasard la prochaine fois qu'il viendra prendre l'apéro). Moi je trouve ça passionnant, de découvrir qu'il n'y a pas de méthode, que chacun a un peu la sienne, qui peut d'ailleurs changer d'un projet à l'autre, et que les chansons imposent parfois leur propre rythme, de réaliser que tel instrument, présent 10 secondes sur telle chanson, a été en fait un tournant du disque tout entier, d'apprendre que recevoir un coup de fil de Vanessa Paradis, et ben c'est super cool (oui alors ça on s'en doutait, je soupçonne Albin d'avoir fait ce disque juste pour pouvoir crâner et faire genre moi Vanessa Paradis je l'ai au téléphone quand je veux... cette hypothèse restant quand même encore à creuser).

Bref, je te conseille de lire le livret (tout ça pour ça).


Mais avant tout, je te conseille des deux mains (bien sûr que si, ça existe) d'écouter ce disque, parce qu'il est sublime. Il est doux sans être mièvre, il est mélancolique sans être déprimant, il est lucide mais serein, il te fera sourire car tu y reconnaîtras tes travers, tes erreurs et, je te le souhaite, tes bons moments, il parle de l'amour comme d'un chemin, voire d'un combat, donc de quelque chose qu'on peut perdre, mais en donnant envie d'y aller quand même.


Tu sais comme j'aime le live, alors je t'en parle aussi deux secondes.

Pour avoir eu la chance d’entendre ces nouveaux titres lors d’un concert privé pour l’émission « Foule Sentimentale » à la Maison de la Radio (au passage, gloire à Didier Varrod et Marion Guilbaud qui programment toujours la crème de la crème), ainsi que quelques jours plus tard lors d'un show case à la Fnac, je peux te dire que la mayonnaise prend, mais alors, très très bien entre Albin et ses partenaires de scène pour ce nouveau chapitre, j'ai nommé Anne Gouverneur au violon, Maëva Le Berre au violoncelle et François Lasserre à la guitare et aux percussions. Si d’une manière générale les orchestrations sont plutôt acoustiques voire organiques, les guitares de François Lasserre apportent l’électricité nécessaire sans pour autant écraser ses copines à cordes plus classiques. J'ai aussi craqué sur les percussions (elles aussi tout droit sorties des petits doigts de fée de François Lasserre), l'arrangement de "Une femme" m'ayant même rappelé Mathieu Boogaerts, grand maître du rythme à mon humble avis. Comme lors des tournées précédentes, les filles font les chœurs, de bon cœur (sans jeu de mot navrant) et avec une joie communicative. Le mot complicité est certainement employé un peu à tort et à travers, mais il faut reconnaître qu’ici on sent un plaisir sincère de jouer ensemble, et des années de travail et probablement d’amitié derrière tout ça.


Tu as déjà l'habitude de traîner sur Fnac Spectacles pendant les heures de boulot alors je vais pas te mâcher le travail, va voir les dates de tournée qui arrivent et fais ton petit marché, si tu es parisien tu pourras aller applaudir Albin, Maëva, Anne et François au Café de la Danse en décembre, et si tu es très chanceux tu m'y croiseras et ça, c'est quand même chouette.


Bisous et n'oublie pas d'aller voter (il dit qu'il voit pas le rapport)


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